[Avant] Sans Peur?

16/01/2015
Dear you,

Ca y est! Nous sommes à J-10 (D-10) et honnêtement j'ai trop hâte.

Credit: Amandine Piu
Nous discutons ensemble depuis quelques articles et tu commences à me connaître. Pourtant, à ce stade de la conversation tu dois te demander si je suis saine d'esprit. Sur certains sujets, ça reste à débattre. Mais sur cette opération, vivement qu'elle arrive.

Si tu te rappelles, mon premier article parlait de ma philosophie: transformer un obstacle en opportunité et  apprendre à danser sous la pluie torrentielle. Ce n'était pas des paroles en l'air. Mes propos sont en fait rarement volatiles. Ils sont plutôt denses (je suis très bavarde) et lourds (comme mon humour, demande à Pedro l'Âne).

Quand tu fais face à l'inconnu, certaines nuits deviennent courtes et les angoisses te prennent au ventre. Je te mentirais en te disant que la perspective de cette opération ne m'a jamais affectée. Mais à chaque fois que je me sentais submergée, ça n'a pas duré. En prenant du recul, tu comprends en fait que la peur se déconstruit et devient un moteur plus qu'un handicap.

J'ai hésité à écrire cet article. Les guides de développement personnel, très peu pour moi. A l'annonce de la maladie, j'étais tétanisée et Google n'a pas été d'un grand secours. Si tu viens ici via Google en cherchant des informations sur la chirurgie qu'on t'annonce, c'est donc un peu mon "devoir" de te rassurer avec un recul de quelques mois. Cette conversation est donc entre toi et moi, et si mon expérience et mes astuces peuvent t'aider à appréhender une épreuve, prends! C'est gratuit!

1. Sépare le torrent en rivières

C'est un principe fondamental. Si tu te laisses submerger par tout d'un coup (ta santé, ton travail, ta famille, ton chat, etc.), tu ne vas pas t'en sortir. Donc tu respires un bon coup, et tu prends chaque problème l'un après l'autre. Tu priorises et tu compartimentes.

Déjà, ta priorité n°1 c'est ta santé. Tu me dis "oui mais j'ai mes enfants" "et mon travail!" "oui mais blah blah". Aucun débat: pendant quelques mois, ta santé devient ton seul point de concentration. Sans elle, pas d'accès au reste de ta vie. C'est une constante invariable si tu veux une guérison solide et rapide.

Depuis, quelques mois, j'ai appris à écouter mon corps, à me reposer, à modifier mon alimentation, à appliquer à la lettre tous les conseils. Certains jours c'est pesant et ça m'étouffe. Alors je coupe toutes discussions sur le sujet et me réserve des plages où me sentir "normale". A ton tour, prends ce qui fonctionne pour toi!

Une fois ta santé maîtrisée, tu vas mener chaque combat un à un sans te préoccuper du reste. Il y a d'abord les évidences de la vie: la famille, le travail, les finances, etc. Refuse de tout prendre de front. Subdivise jusqu'à rendre facile. Et chaque fois, ne regarde pas la montagne devant, mais le chemin parcouru. Ne pense pas aux autres problèmes. Compartimenter c'est aussi accepter qu'à chaque jour suffit sa peine.

2. Un édifice ne se construit pas seul

Credit: Anne Coieffey
Le deuxième principe c'est de t'entourer. Tu as tes proches, tes amis, l'équipe médicale et parfois des inconnus. Si tu n'as jamais osé demander de l'aide, c'est le moment de le faire. Ravale ta fierté, et fais-le pour tout ce qui compte à tes yeux. Tu n'as rien à prouver en restant seul. Et tu verras que si certaines réactions sont égoïstes, la majorité est prête à t'aider et à t'écouter.

Astuce: en bonus, bien des mutuelles proposent des aides à domicile. J'ai même pu négocier avec l'Urssaf et les impôts!

Etre entouré, ça signifie aussi parler. Ce blog était ma réponse primaire. A côté, avec mon entourage, nous avons parlé, discuté, expliqué. J'ai aussi reçu un flot de soutien venu des 4 coins du monde (littéralement). Chaque mot m'a émue, et est venu alimenter ma chorégraphie sous la pluie. Certains jours, je danse plus pour les autres que pour moi. Les bonnes intentions rendent invincibles et courageux.

Et pour cette raison, débarrasse-toi des ondes négatives. Tout le monde n'a pas une réaction positive sur ton mental. Il est temps de faire le tri. Si tu souhaites garder ces personnes dans ta vie, saches que tu auras toujours la possibilité de réparer tes relations après l'opération. Toutefois, ce n'est pas le moment d'écouter les problèmes des autres. C'est en fait le moment le plus égoïste de ton existence et tu dois penser à toi avant tout.

3. L'ennemi invisible, la peur

Quoique l'on te dise, nous avons peur. La peur ancestrale de l'inconnu, la conscience du risque, l'appréhension de la douleur.  Peur de la cicatrice, peur de l'hôpital, peur de la compote (!), peur de ne pas récupérer après, etc. Et pourtant, confrontés à la même épreuve médicale, nos angoisses ne sont pas les mêmes d'une personne à une autre. Tu constateras aussi que ta famille aura des appréhensions différentes des tiennes. Les peurs sont intransmissibles et c'est un combat solitaire.

Mes peurs à moi? La première, c'est la cicatrice. Plus précisément, l'idée d'être marquée à vie et d'avoir mon histoire étalée sous le regard des autres. La deuxième, l'intubation en réa. La troisième, qu'on me voit "en malade". Je souffre en me voyant à travers les yeux de l'autre. "Mes" peurs te semblent peut-être étranges voire futiles. Mais ce sont les miennes, comme tu as les tiennes, et dans tous les cas, il nous faut les maîtriser.

Bien qu'il s'agisse d'un ressenti, commence par en parler. Mettre des mots sur les concepts aident à les apprivoiser. Et puis ensuite, il faut agir. Tout peut se conquérir avec un peu de recul. Encore une fois, divise et affronte tes peurs, les unes après les autres. Et sois créatif. Tu connais tes limites mieux que personne, alors utilise cette connaissance.

C'est très abstrait, alors prenons mon cas. La cicatrice? Dans ma tête, je me suis dit que ce serait comme un tatouage. Mentalement j'ai fait la bascule entre un marquage subi et un marquage voulu. L'intubation? Techniques d'auto-hypnose et de yoga (sophrologie possible également). Le fait d'être vue "amoindrie"? Je refuserai les visites jusqu'à pouvoir m'habiller et me maquiller correctement.

Sache que quelle que soit ta méthode, ce sera la tienne et la bonne. Si tu ne sais pas où commencer, la sophrologie, une bonne respiration et un grand verre d'eau sont un bon point de départ.

4. Vers les jours de soleil

Peut-être crois-tu au destin et que tout arrive pour une raison? Peut-être es-tu croyant? Peut-être as-tu des raisons insondables qui te donnent la force de te battre? Quelle que soit ta direction spirituelle, tu dois trouver en toi la certitude que ta vie sera ensoleillée après.

Quand on me dit "bon courage" ou que l'on me demande si je tiens le coup, je réponds invariablement "Je me sens chanceuse". Et c'est vrai. Déjà, ce type d'opération est totalement maîtrisé. Dans les pays occidentaux, nous avons les moyens de guérir ce qui n'est pas le cas ailleurs. Combien d'enfants avec des cardiopathies congénitales meurent faute d'une salle opératoire équipée? Ne serait-ce que pour ça, je considère qu'il serait égoïste de ma part de me plaindre. 

Ensuite, cette opération, c'est aussi la chance d'une vie meilleure. Dans les moments de doutes, je me projète dans l'après. Un corps capable de se déplacer avec aisance. Grandie par l'épreuve, plus sage, plus affirmée. Des rêves oubliés prêts à devenir réalité. On répète souvent Nietzsche "tout ce qui ne tue pas rend plus fort". Je ne cherche pas à devenir plus forte, juste un peu plus moi-même, en mieux, et heureuse.


♥♥♥ Love

La leçon à retenir: un ami m'a dit "tout est impermanent". Accepte le temps des transformations, le temps des peurs, et le temps du meilleur.
Ca aurait pu être pire: alors c'est l'histoire de Pedro l'Âne....

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