[Hôpital] Réveil en Réanimation

04/02/2015
Dear you,

J'espère que tu notes mes efforts pour trouver des titres originaux à mes articles. Mes illustrations photographiques sont également remarquables ces derniers temps. En effet, quand tu te réveilles en réa, le premier truc qu'on t'apporte c'est un Leica pour te permettre de faire un peu de sightseeing, surtout s'il y a du soleil.

On dit qu'il y a 2 sortes de patients avant une chirurgie: ceux qui veulent tout savoir en détail, et ceux qui préfèrent ignorer ce qui les attend. Les 2 catégories se rejoignent en réa: tu as beau être préparé, le ressenti est toujours assez unique et personnel, et il y a une forme d'imprévu par rapport à ce que tu imaginais. Mon expérience est donc subjective. Et si tu es sensible, tu n'es pas obligé de lire!

Reprenons connaissance

Clochette la télécommande!
Si tu te rappelles, je t'avais quitté sur une plage de sable chaud. Mon retour à la vie s'est fait par l'ouïe.  Je me rappelle avoir entendu des voix. Impossible de te dire si on me parlait ou si c'était des discussions autres. Les yeux fermés, tu cherches à retrouver la frontière de ton corps. Ton énergie est comme bloquée dans ta moitié supérieure, tes jambes semblent si loin de toi. J'ai peut-être essayé de bouger, mais impossible. Peut-être parce que mes mains étaient attachées. C'est une précaution normale pour ce type d'opération. On ne veut pas que, dans un réflexe farouche, tu te décides à tout arracher.

Notamment, arracher le tube situé au fond de ta gorge. Je t'avais parlé de cette intubation comme étant la cause de mon appréhension. Je l'ai sentie tout de suite. Mon chirurgien m'avait dit "si vous sentez le tube au réveil, c'est que l'opération s'est bien passée". J'ai donc éloigné la panique et laissé les sédatifs reprendre le dessus. Des bruits m'ont à nouveau réveillée. On me parlait. Et le tube a été retiré. La gorge est sèche mais la douleur n'est pas si terrible. J'ai ouvert les yeux. Les meubles étaient rouge bordeaux et inox brillant, avec des spots halogènes façon déco des années 80. Ca me semble tellement bizarre que je crois que c'était une hallucination de réveil. Même maintenant, je suis incapable de te dire à quoi ressemble la réa.

La douleur arrive assez vite. Paradoxalement, elle s'empare surtout de ton dos. Le dos, surtout entre les omoplates. On l'explique par 3 raisons: l'ouverture de la cage thoracique entraîne une sorte de luxation des vertèbres; de plus, la table opératoire est extrêmement dure; enfin tous les chocs reçus à l'avant se répercutent à l'arrière et irradient. J'avais l'impression d'avoir été broyée dans un casse noix géant (je suis une grande noix). Tu as envie de prendre une bonne respiration pour te calmer, mais rien ne bouge. Et puis tu penses à ta famille, tu espères qu'on l'a prévenue que tu vas bien, et ça va mieux.

Retour à l'âge nain

La réa, c'est le moment où tu comprends que tu as l'autonomie d'un nourrisson. Ca va durer quelques jours, mais comme de toute façon tu n'as la force de rien au début, tu découvres très vite la dépendance totale. Tu abandonnes aussi toute pudeur. En réa, de toute façon, on ne t'habille pas. Les patients sont séparés par des espèces de vitres opaques. Tu entends ce qui se passe à côté sans voir. Et les visites sont interdites, généralement les premières 48h.

Marque du cathéter dans le cou à J+2
Tu as beau être retombé à l'âge nain, tu bénéficies toutefois de toute la technologie câblée du XXIème siècle. Pour te faire un inventaire, de mémoire: 2 perfusions veineuses côté droit, 1 perfusion artérielle côté gauche, 1 genre de cathéter à picots dans le cou, 3 drains sous le sternum, 2 électrodes de pacemaker au niveau du coeur, 1 arrivée d'oxygène dans le nez, 1 sonde urinaire, des électrodes de mesure collées un peu partout, 1 pince sur le doigt. Il y a aussi des tas de machines qui font beep beep, et d'autres trucs. Une installation en toute simplicité...

La réa c'est pas vraiment un passage calme et tranquille. Il y a plein d'aller et venue et de bruits. Toutes les heures, on vient te contrôler, on t'injecte des produits, on contrôle ta glycémie, on te parle. Au début, je n'avais pas Clochette la sonnette alors j'appelais au hasard. Ensuite, on me la mise dans la main gauche. Dans l'autre main, on a placé la télécommande du lit. A l'échelle du malade, tu deviens roi quand tu tiens le sceptre et l'orbe !

La douleur

Le soir-même, on te fait une "toilette" pour t'enlever un peu de la bétadine. Pour ce faire, on doit te tourner sur le côté. Au premier mouvement de roulade, tu dis que non, c'est pas possible, ce sont des Orangina Rouges et pourquoi sont-ils si méchants?! Ca fait tellement mal. Tu fais des auto-promesses bizarres en te disant "c'est pas grave de rester moutarde à vie, pourvu que la douleur s'arrête, nannnn arrêtez de tourner aïeeeeeeee". Chaque compresse brûle la peau. Et puis tu penses à toutes ces pensées qu'on t'a envoyées avant l'opération, et tu as un peu honte de faire l'enfant peureux. Alors tu sers les dents et ça passe.

J'ai réussi à dormir par intermittence. Sans sédatif. La morphine m'a donné des nausées donc je crois qu'ils ont vite arrêté (il faudra que je checke le compte-rendu pour te dire plus précisément). Dans l'absolu, j'étais dans les populations à risques de nausées. Ce n'est pas systématique. J'en ai eu jusqu'au matin. Parfois, l'équipe parvenait à m'injecter des anti-vomitifs à temps. Mais en fin de compte, j'évitais de lutter car ça fait mal de contracter le diaphragme.

La nuit, je suis un peu sortie de ma torpeur. L'infirmière de nuit, Carole, était très sympa et on a discuté Nail Art (!). En parlant, pour la première fois de ma vie, je n'étais pas essoufflée. C'est à ce moment que j'ai pris conscience de mon coeur 2.0. Je ne le savais pas, mais toute ma vie, j'avais été comme en apnée. C'est dur à t'expliquer. Cette pensée m'a reboostée et je me suis sentie prête à affronter toutes les douleurs.

La sortie de réa

Le lendemain matin, soit moins de 24h après l'opération, il a été jugé que je pouvais aller en chambre. Je ne prenais déjà plus de morphine, et à part un pouls élevé (à 130) mes constantes étaient devenues bonnes. Si j'avais pu, j'aurais eu un fou rire quand on m'a proposé un petit déjeuner composé d'un petit pain et d'une orange. No but really? Je n'avais toujours pas réussi à boire une gorgée d'eau! En plus une orange! J'aime pas les oranges.

Avant de me transférer, on m'a fait la toilette (again... arrrrrrrr) et on a arrangé les fils. Ca brûlait toujours autant. Ensuite on a enlevé quelques cathéters, dont la sonde urinaire. J'ai eu tout de suite pipi. A Georgie, tout le monde est super gentil, sauf une personne. Un monsieur en réa. Il a râlé quand j'ai dit que j'avais pipi et voulait que je me retienne. Il a mis le pot n'importe comment (oui c'est glam) et du coup je me suis faite pipi dessus. 2 fois. Donc on a changé les draps. 2 fois. Et on m'a lavée 2 fois. Donc 2 roulades de douleur. Je ne sais pas qui tu es, mais t'es pas cool mec!

Ensuite, un autre monsieur m'a mise dans le lit "final", gentiment cette fois-ci, et m'a roulée jusqu'à la chambre. On m'a bien rebranchée. J'ai eu encore pipi (!!!) mais l'équipe était pro et humaine et ça s'est super bien passé cette fois-ci. L'infirmière de jour, qui s'appelait aussi Carole, m'a apporté un téléphone et a composé le numéro de mes parents pour leur faire une surprise. J'étais si émue.

♥♥♥  Love

La leçon à retenir: la seule façon de passer à travers une épreuve c'est de penser à ceux qu'on aime et à ceux qui nous soutiennent.
Ca aurait pu être pire: mon voisin était à son 6ème jour en réa. Avec moins de 24h, je ne peux pas me plaindre!

1 comment:

  1. Bon alors déjà c'est le plus bel article au delà des bonnes nouvelles qu'il apporte, tu écris définitvement très bien, c'est drôle et sérieux à la fois... tu devrais faire imprimer/relier tout ça..le publier ? je trouve que tout ce que tu écris est très bien pensé en tous cas (et bien illustré)
    Et sinon, mille bisous de courage pour les douleurs, je n'imagine pas et je sais que tu es forte mais quand même ca fait mal au coeur.courage. Et en parlant de coeur..ca fait TELLEMENT plaisir de lire le passage ou tu dis que tu n'es pas essouflée!!! ouaw!! Même un peu émue...trop contente pour toi, pourvu que ça dure et que les bonnes nouvelles soient nombreuses! BRAVO!

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