[Hôpital] Premiers jours chez Georgie

15/02/2015
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Dear you,

Nous sommes le 15 février. Je suis hospitalisée depuis le 26 janvier ce qui fait pas mal de jours. Concrètement le séjour à l'hôpital dans le cadre d'une chirurgie cardiaque se déroule selon les étapes suivantes.
  • L'hospitalisation pré-opératoire, qui commence la veille.
  • Le passage en réa, qui dure de 24 à 72h.
  • Le retour en chambre jusqu'au retrait des drains (entre 1 et 4 jours).
  • Le séjour en chambre (entre 4 et 8 jours).
  • Le séjour en réadaptation cardiaque (de 8 à 28 jours, selon le nombre de séances).

A cela, s'ajoute une phase de convalescence en 2 temps, qui se déroule le plus généralement à domicile.
  • De 6 à 8 semaines après l'opération (on retient souvent "1 mois et demi"), les mouvements sont plus limités, le temps de la consolidation osseuse et musculaire.
  • Par la suite entre 1,5 mois et 3 mois après l'opération, il y a des règles de vie restrictives, avant le contrôle avec le chirurgien.

Comme tu es toujours sympa, je t'ai fait un petit schéma. En haut, tu as mon parcours, avec les dates réelles, et en bas, je t'ai indiqué les fourchettes habituellement observées. On ne voit pas le fond avec tout le bazar, mais c'est marqué "Happily Ever After", ce qui est un peu guimauve, mais c'est bon la guimauve, surtout à la violette.


Où j'étais?

Oui, oui, je sais que mon dernier article date un peu. Tu m'as demandé où je m'étais cachée. En fait, après avoir écrit 2 articles, tout s'est effacé (grrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr) et ça m'a tellement énervée qu'il m'a fallu un moment pour accepter de t'écrire à nouveau.

Contrairement à la légende, sache que je ne m'ennuie pas du tout. J'ai vu ici ou là des hospitalisés se plaindre de n'avoir rien à faire. C'est loin d'être mon cas. J'attends avidement ma pause (15h-17h30) pour dormir tel un loir. En effet, le réveil à 5h30 instauré chez Coco ne passe pas du tout. Coco n'est pas un hôpital, Coco c'est Bootcamp! Après 21 jours, je n'ai vu que 5 films, les épisodes de séries du moment et écouté 2 livres audio. Ca ne fait pas beaucoup, non?

Le retour en chambre

Me wow!
Je t'ai raconté mon arrivée en chambre post réa ici. Les premières heures, tu te sens comme un petit chaton dans une nouvelle maison. Assez déboussolé, tu n'oses pas trop quitter ton panier. De toute façon, tu ne peux pas quitter ton panier/lit car tu ne bouges pas et tu as des fils partout. Jusqu'au retrait des drains, le mieux que tu peux espérer c'est t'asseoir. S'asseoir te prend plus de 20 minutes, alors il faut vraiment rentabiliser avec des activités. Et prévoir 4h de sieste après pour récupérer!



J'étais donc bien câblée. Un tuyau pour l'oxygène. Un perfusion à la main droite. 3 drains, reliés à un jerrican. 2 électrodes de pacemaker. 1 appareil de télémétrie avec plein d'électrodes autocollantes partout. Sans compter la télécommande du lit à la main droite et la Clochette à la main gauche. Tu es donc extrêmement dépendant de l'équipe soignante qui se relaie régulièrement à ton chevet. Chez Georgie, on a beaucoup de chance car les gens sont jolis, sympas et gentils, et crois-moi, ça fait énormément pour ton moral.

La vue, jusqu'au retrait des drains
J'ai compris par la suite que les patients sont priorisés. Quand tu es en mode drain tu es ultra-prioritaire. Tu sonnes, et Speedy Gonzales débarque! Je n'ai jamais attendu plus d'une minute ou deux. L'équipe soignante est composée des aides soignants, qui t'aident dans l'accomplissement des tâches et l'administration des soins de base, des infirmiers, qui administrent des soins plus techniques et prennent des décisions plus avancées, des médecins, y compris les internes et les externes, ainsi que du personnel qui apporte à manger et fait le ménage.  

Ma 1ère journée, on m'a apporté un repas vers 13h que j'ai laissé ainsi que de l'eau. Vers 14h, j'ai pu avaler mes premières gorgées d'eau. Le verre pesait un quintal et la moitié s'est renversée à côté. En fait mes bras n'avaient plus aucune tonicité. C'est le moment où j'ai pris conscience qu'il allait falloir tout réapprendre.

Ma famille est venue m'apporter un repas (aubergines au tofu). Le premier jour, il a fallu me nourrir à la cuillère car seule, la moitié finissait sur le lit. Après 5 bouchées, j'avais l'impression d'avoir couru un marathon! En tout cas, que les choses soient claires: sans honte aucune, j'ai eu des plats maison à tous les repas! Niveau alimentaire, je suis la personne la plus relou de la terre, et même malade, je ne tolère pas la bouillie (et bien sûr la compote!).


L'après-midi, j'ai passé une radio du thorax. En fait, on a roulé mon lit jusqu'à la radio via l'ascenseur. Je me suis endormie pendant l'attente (de 5 minutes!) et ensuite la radio s'est faite en horizontal, au dessus du lit. C'est assez drôle d'être en lit à roulettes. J'aurai bien voulu faire d'autres balades comme celle-ci!

La routine

Il y a 3 équipes: le matin de 7h à 14h, l'après midi de 14h à 21h, et la nuit de 21h à 7h. L'équipe du matin vient te réveiller vers 7h et procède au contrôle de tes constantes. Il s'agit du pouls, de la saturation d'oxygène, de la tension et de la température. Je crois qu'on me mesurait 8 fois en 24h (y compris au milieu de la nuit). Dans mon cas, ma tension artérielle est redevenue basse très vite (bien) mais mon pouls est resté élevé pendant un moment (environ 130). Plusieurs fois, on m'a également fait des prises de sang à jeun.

Ensuite a lieu la toilette. La première a été aussi terrible qu'en réa. On t'enlève le pyjama d'hôpital et l'aide soignant te lave avec une bassine, un gant et du savon. On te sèche et on te met de la crème hydratante avant de te remettre un pyjama propre. Tu roules sur un côté pour que l'on retire le drap et en mettre un autre. Et ensuite on te roule de l'autre pour finir le switch de drap. Tu l'auras compris, la roulade, c'est le pire. D'autant que du côté opposé aux drains, ça tire horriblement.

Les repas sont servis à 7h30, à 12h et à 19h30 et on nous propose une boisson chaude l'après-midi. Une personne passe tous les 3 jours prendre commande pour les repas. Il y a pas mal de choix, et si au début j'ai trouvé ça bof, sache que c'est vraiment pire chez Coco! Il faut éviter la viande (bouillie) mais les soupes sont bonnes. Les pâtes en revanche sont servis au format purée. De toute façon, j'avais mon propre service VIP.

Les tasses sont très grandes!

Par rapport à d'autres patients, j'ai pris peu de médicaments. Il y a d'abord les antalgiques contre la douleur. Ayant lâché la morphine avant ma sortie de réa, je fonctionnais au tramadol et au doliprane. J'ai arrêté le tramadol le jeudi, soit le lendemain de la remontée en chambre. Ensuite, on te donne de l'inexium (contre les brûlures gastriques et pour la prévention des ulcères), du fer et de la vitamine C, et il me semble qu'on m'a donné des antibiotiques à large spectre au début. La seule vraie nouveauté c'était la prise de Kardégic 75 qui a un goût mauvais.

En bonus, j'ai eu des injections d'anti-coagulant tous les soirs. Elles se pratiquent sur les cuisses ou sur le ventre. J'ai fait le choix des cuisses, et j'ai donc encore une jolie collection d'hématomes. On m'a aussi laissé la perfusion jusqu'au vendredi. Les perfusions m'ont également laissé de sacrés marques (cf. photos).


Les petites habitudes

Le premier jour, soit le mercredi, on a senti une odeur de soufre et d'oeuf pourri. Avec beaucoup de tact, ma famille a pensé que ça venait de mes drains (!) Sache que non, mon sang sent la rose. Mais le système de ventilation de Georgie sent l'oeuf pourri, et régurgite 4 à 5 fois par jour. Ca parfume délicatement ta chambre et c'est vraiment sympa quand tu as de la visite!

Tu apprends vite à faire pipi avec la cuvette. A chaque envie, tu appelles avec Clochette. Là j'étais assez contente d'avoir fait des abdos avant l'opération. Ca aide grandement à soulever son bassin! L'équipe te laisse un peu de dignité en te couvrant et laissant seul. On te lave après ainsi que les mains. Au vu des circonstances c'est moins pire que ce que je pensais. Sache aussi que l'opération stoppe le transit. Donc concrètement de ce côté là, tu es tranquille pendant quelques jours! Je te raconte tout ça, car je me posais ces questions avant l'hospitalisation.

Le truc cool c'est que 2 fois voire 3 fois par jour, on vient te masser. Avec un mélange d'huiles essentielles, on essaye de détendre ton dos, et on masse aussi tes jambes et tes talons (qui sont statiques et donc très rouges). Ca fait beaucoup de bien et ça laisse une odeur agréable. C'est aussi dans ces moments là où tu réapprivoises doucement ton corps.

On te fait des examens également. Auscultation au stéthoscope, électrocardiogramme, échographie. Médecins et appareils viennent à toi, tu ne bouges toujours pas. J'ai aussi eu la visite de mon cardiologue et de mon chirurgien qui étaient tous deux très contents du résultat de l'opération :)

Sinon, le reste du temps, tu dors. Jusqu'au retrait des drains, je n'ai ni lu, ni allumé mon ordinateur. On m'a mis un peu de musique avec mon haut parleur, mais c'est tout. Je n'avais pas vraiment la force. Il paraît que beaucoup de patients ne parviennent pas à dormir. Honnêtement de ce point de vue, Madame Marmotte a un gros avantage!

♥♥♥  Love

La leçon à retenir: l'équipe soignante, c'est surtout ton équipe! Tu peux choisir de t'énerver, ou tu peux choisir de travailler avec.
Ca aurait pu être pire: la chambre en coloc! L'angoisse!
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[Heartbeat] 14 février - Journée du Coeur

08/02/2015
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Dear you,

Depuis que l'on se connaît, tu me dis de jolies choses. Un appel, un message, un sms, un commentaire, je t'ai déjà dit à quel point ton soutien comptait pour moi. Mais autant te le redire: je fais ma brave plus pour toi que pour moi!

Ma chance

Plusieurs fois aussi je t'ai dit ne pas me trouver spécialement courageuse, mais surtout très chanceuse. La chance de t'avoir d'abord. La chance d'avoir été opérable. De bénéficier d'un système de santé. D'avoir été suivie et opérée par des personnes dont je respecte le professionnalisme et l'humanité. De n'avoir pas eu de complications chirurgicales. D'avoir une super équipe médicale à mes côtés. D'avoir une famille qui vient me voir tous les jours. De ne m'être jamais laissée ni endurcir ni asséchée par les difficultés de la vie. Je suis Madame Chance tu ne crois pas?

Au quotidien, on a tendance à se plaindre, à travailler des heures pas possibles, à oublier l'essentiel. Bizarrement quand tu te trouves à ma place, à l'hôpital, tu ne penses pas à toi. Tu penses à tes voisins de chambre qui n'ont pas ta chance. A leur solitude, à leur douleur. A  leur chemin tellement plus long que le tien. Il y a des gens pour lesquels on ne prie pas, et ils n'en sont pas moins méritant. Ils n'ont juste pas ma chance.


Mon infirmière de nuit, Mathilde, m'a raconté l'histoire des enfants de la Chaîne de l'Espoir. Ces petits arrivent en France, seuls, sans parler un mot de français. Pour limiter les coûts, ils ne font bien souvent qu'une journée en réa et une journée à l'hôpital. Ils repartent avec leurs drains habiter dans une famille d'accueil. S'ils sont assez jeunes. En effet, de moins en moins de familles veulent accueillir les ados. Elles préfèrent des petits "mignons et chous". Eux aussi n'ont pas ma chance.

Février, mois du coeur

Le mois de février, sous l'impulsion de la puissante American Heart Association, est le mois des maladies cardiovasculaires et de la prévention. On s'habille en rouge, on essaye de lever des fonds, on sensibilise à ces maladies qui sont la première cause de mortalité dans le monde. En France, le mouvement commence doucement, mais l'action n'est pas aussi unifiée. Je parie que tu connais Pink October, Movember, mais que tu ne savais pas qu'en février c'était le Mois du Coeur!

Le 14 février, pour la Saint-Valentin, c'est plus spécifiquement la journée dédiée aux Cardiopathies Congénitales (ma maladie). En France, cette occasion s'appelle La Journée du Coeur. 1 enfant sur 100 naît avec une cardiopathie congénitale et c'est la première cause de décès infantile. Pourtant, de nombreux bébés rentrent chez eux sans le moindre contrôle. Beaucoup d'enfants grandissent non détectés. Et quand enfin ils sont diagnostiqués, il est parfois trop tard.

Cette histoire, mon histoire, n'est pas un cas isolé. Alors si tu veux faire un truc cool, ce mois-ci porte du rouge quand tu peux, et parle autour de toi de ces maladies. Les malformations de naissances comme la mienne, mais aussi les problèmes de nos aînées. Il est essentiel d'être tous sensibilisés et de prévenir le plus en amont possible! Pas uniquement pour sauver des vies, mais aussi pour améliorer la qualité de vie du malade.

Veux-tu m'aider?

S'il faut choisir une cause, autant choisir celle dans laquelle sa voix est la plus légitime (le fromage n'est pas une cause en vrai), alors je choisis le coeur. Je vais être honnête, depuis des années, le milieu associatif en France me laisse un goût amer. On adore les causes nationales, les grandes associations et fédérations. Je t'avoue ne pas me reconnaître là-dedans: trop grand, trop académique, il manque un peu d'humilité à mon goût, et de pragmatisme aussi. Pourtant, j'aimerai faire quelque chose!!! Il va falloir y réfléchir. En attendant, laisse moi te rappeler 3 choses.

1. Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité et il est essentiel de les prévenir par une bonne hygiène de vie!
Tu connais la campagne "Manger Bouger"? Et bien si tu lis ses objectifs, sache que les maladies cardio-vasculaires n'en font pas partie. Je ne sais pas toi, mais moi ça me choque. Ce qui me choque aussi c'est de faire culpabiliser les gens au lieu d'avoir une prévention "positive". Je suis sûre qu'on peut te sensibiliser autrement qu'en te disant que tu manges mal et que tu es un gros fainéant. 

2. Les cardiopathies congénitales touchent 1 naissance sur 100, il est essentiel de les dépister!
C'est énorme. Des gens comme moi, il y en a plein. Si 30% des enfants sont détectés et opérés avant l'âge de 1 an, certains resteront non diagnostiqués. Combien de fois aussi ai-je entendu "oh c'est un souffle au coeur. C'est rien tu sais". On me l'a dit. Tu connais la suite. Il est essentiel de systématiser le dépistage à la naissance (voire en prénatal) et de consulter un cardiologue pédiatrique au moins une fois. Toi parent, va faire contrôler le coeur de ton enfant. Et profite aussi pour faire ton contrôle!

3. On peut tous sauver une vie
Sais-tu pratiquer le bouche à bouche? Sais-tu utiliser un défibrillateur? Sais-tu reconnaître les signes avant coureur d'un infarctus ou d'un AVC? Plus il y aura de gens formés et sensibilisés, plus nous pourrons éviter des séquelles graves. Depuis des années, je remets régulièrement à jour ma formation de premier secours (PSC1). Ca dure une journée, et cela peut-être pris en charge par la formation continue. Participer au mois du coeur, c'est aussi apprendre à gérer les situations d'urgence!

Cet article est un peu moins drôle que d'habitude mais il est important. Quelque part j'espère que tu en parleras autour de toi, que tu mettras du vernis, du rouge à lèvres ou des chaussettes rouges, que tu regarderas si tu peux suivre une formation de secouriste, que tu feras un contrôle auprès d'un cardiologue, etc. Parce que j'ai de la chance de t'avoir, je voudrais que tu ailles bien :)

♥♥♥ Love

La leçon à retenir: si tu n'aimes pas fêter la Saint Valentin, tu peux m'envoyer quand même des chocolats car c'est ma fête :p

Ca aurait pu être pire: personne n'aime qu'on lui dise "ça aurait pu être pire, tu as eu de la chance". Il est toujours plus facile de s'en rendre compte soi-même ;)
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[Hôpital] Réveil en Réanimation

04/02/2015
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Dear you,

J'espère que tu notes mes efforts pour trouver des titres originaux à mes articles. Mes illustrations photographiques sont également remarquables ces derniers temps. En effet, quand tu te réveilles en réa, le premier truc qu'on t'apporte c'est un Leica pour te permettre de faire un peu de sightseeing, surtout s'il y a du soleil.

On dit qu'il y a 2 sortes de patients avant une chirurgie: ceux qui veulent tout savoir en détail, et ceux qui préfèrent ignorer ce qui les attend. Les 2 catégories se rejoignent en réa: tu as beau être préparé, le ressenti est toujours assez unique et personnel, et il y a une forme d'imprévu par rapport à ce que tu imaginais. Mon expérience est donc subjective. Et si tu es sensible, tu n'es pas obligé de lire!

Reprenons connaissance

Clochette la télécommande!
Si tu te rappelles, je t'avais quitté sur une plage de sable chaud. Mon retour à la vie s'est fait par l'ouïe.  Je me rappelle avoir entendu des voix. Impossible de te dire si on me parlait ou si c'était des discussions autres. Les yeux fermés, tu cherches à retrouver la frontière de ton corps. Ton énergie est comme bloquée dans ta moitié supérieure, tes jambes semblent si loin de toi. J'ai peut-être essayé de bouger, mais impossible. Peut-être parce que mes mains étaient attachées. C'est une précaution normale pour ce type d'opération. On ne veut pas que, dans un réflexe farouche, tu te décides à tout arracher.

Notamment, arracher le tube situé au fond de ta gorge. Je t'avais parlé de cette intubation comme étant la cause de mon appréhension. Je l'ai sentie tout de suite. Mon chirurgien m'avait dit "si vous sentez le tube au réveil, c'est que l'opération s'est bien passée". J'ai donc éloigné la panique et laissé les sédatifs reprendre le dessus. Des bruits m'ont à nouveau réveillée. On me parlait. Et le tube a été retiré. La gorge est sèche mais la douleur n'est pas si terrible. J'ai ouvert les yeux. Les meubles étaient rouge bordeaux et inox brillant, avec des spots halogènes façon déco des années 80. Ca me semble tellement bizarre que je crois que c'était une hallucination de réveil. Même maintenant, je suis incapable de te dire à quoi ressemble la réa.

La douleur arrive assez vite. Paradoxalement, elle s'empare surtout de ton dos. Le dos, surtout entre les omoplates. On l'explique par 3 raisons: l'ouverture de la cage thoracique entraîne une sorte de luxation des vertèbres; de plus, la table opératoire est extrêmement dure; enfin tous les chocs reçus à l'avant se répercutent à l'arrière et irradient. J'avais l'impression d'avoir été broyée dans un casse noix géant (je suis une grande noix). Tu as envie de prendre une bonne respiration pour te calmer, mais rien ne bouge. Et puis tu penses à ta famille, tu espères qu'on l'a prévenue que tu vas bien, et ça va mieux.

Retour à l'âge nain

La réa, c'est le moment où tu comprends que tu as l'autonomie d'un nourrisson. Ca va durer quelques jours, mais comme de toute façon tu n'as la force de rien au début, tu découvres très vite la dépendance totale. Tu abandonnes aussi toute pudeur. En réa, de toute façon, on ne t'habille pas. Les patients sont séparés par des espèces de vitres opaques. Tu entends ce qui se passe à côté sans voir. Et les visites sont interdites, généralement les premières 48h.

Marque du cathéter dans le cou à J+2
Tu as beau être retombé à l'âge nain, tu bénéficies toutefois de toute la technologie câblée du XXIème siècle. Pour te faire un inventaire, de mémoire: 2 perfusions veineuses côté droit, 1 perfusion artérielle côté gauche, 1 genre de cathéter à picots dans le cou, 3 drains sous le sternum, 2 électrodes de pacemaker au niveau du coeur, 1 arrivée d'oxygène dans le nez, 1 sonde urinaire, des électrodes de mesure collées un peu partout, 1 pince sur le doigt. Il y a aussi des tas de machines qui font beep beep, et d'autres trucs. Une installation en toute simplicité...

La réa c'est pas vraiment un passage calme et tranquille. Il y a plein d'aller et venue et de bruits. Toutes les heures, on vient te contrôler, on t'injecte des produits, on contrôle ta glycémie, on te parle. Au début, je n'avais pas Clochette la sonnette alors j'appelais au hasard. Ensuite, on me la mise dans la main gauche. Dans l'autre main, on a placé la télécommande du lit. A l'échelle du malade, tu deviens roi quand tu tiens le sceptre et l'orbe !

La douleur

Le soir-même, on te fait une "toilette" pour t'enlever un peu de la bétadine. Pour ce faire, on doit te tourner sur le côté. Au premier mouvement de roulade, tu dis que non, c'est pas possible, ce sont des Orangina Rouges et pourquoi sont-ils si méchants?! Ca fait tellement mal. Tu fais des auto-promesses bizarres en te disant "c'est pas grave de rester moutarde à vie, pourvu que la douleur s'arrête, nannnn arrêtez de tourner aïeeeeeeee". Chaque compresse brûle la peau. Et puis tu penses à toutes ces pensées qu'on t'a envoyées avant l'opération, et tu as un peu honte de faire l'enfant peureux. Alors tu sers les dents et ça passe.

J'ai réussi à dormir par intermittence. Sans sédatif. La morphine m'a donné des nausées donc je crois qu'ils ont vite arrêté (il faudra que je checke le compte-rendu pour te dire plus précisément). Dans l'absolu, j'étais dans les populations à risques de nausées. Ce n'est pas systématique. J'en ai eu jusqu'au matin. Parfois, l'équipe parvenait à m'injecter des anti-vomitifs à temps. Mais en fin de compte, j'évitais de lutter car ça fait mal de contracter le diaphragme.

La nuit, je suis un peu sortie de ma torpeur. L'infirmière de nuit, Carole, était très sympa et on a discuté Nail Art (!). En parlant, pour la première fois de ma vie, je n'étais pas essoufflée. C'est à ce moment que j'ai pris conscience de mon coeur 2.0. Je ne le savais pas, mais toute ma vie, j'avais été comme en apnée. C'est dur à t'expliquer. Cette pensée m'a reboostée et je me suis sentie prête à affronter toutes les douleurs.

La sortie de réa

Le lendemain matin, soit moins de 24h après l'opération, il a été jugé que je pouvais aller en chambre. Je ne prenais déjà plus de morphine, et à part un pouls élevé (à 130) mes constantes étaient devenues bonnes. Si j'avais pu, j'aurais eu un fou rire quand on m'a proposé un petit déjeuner composé d'un petit pain et d'une orange. No but really? Je n'avais toujours pas réussi à boire une gorgée d'eau! En plus une orange! J'aime pas les oranges.

Avant de me transférer, on m'a fait la toilette (again... arrrrrrrr) et on a arrangé les fils. Ca brûlait toujours autant. Ensuite on a enlevé quelques cathéters, dont la sonde urinaire. J'ai eu tout de suite pipi. A Georgie, tout le monde est super gentil, sauf une personne. Un monsieur en réa. Il a râlé quand j'ai dit que j'avais pipi et voulait que je me retienne. Il a mis le pot n'importe comment (oui c'est glam) et du coup je me suis faite pipi dessus. 2 fois. Donc on a changé les draps. 2 fois. Et on m'a lavée 2 fois. Donc 2 roulades de douleur. Je ne sais pas qui tu es, mais t'es pas cool mec!

Ensuite, un autre monsieur m'a mise dans le lit "final", gentiment cette fois-ci, et m'a roulée jusqu'à la chambre. On m'a bien rebranchée. J'ai eu encore pipi (!!!) mais l'équipe était pro et humaine et ça s'est super bien passé cette fois-ci. L'infirmière de jour, qui s'appelait aussi Carole, m'a apporté un téléphone et a composé le numéro de mes parents pour leur faire une surprise. J'étais si émue.

♥♥♥  Love

La leçon à retenir: la seule façon de passer à travers une épreuve c'est de penser à ceux qu'on aime et à ceux qui nous soutiennent.
Ca aurait pu être pire: mon voisin était à son 6ème jour en réa. Avec moins de 24h, je ne peux pas me plaindre!
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[Hôpital] En route pour le bloc!

01/02/2015
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Dear you,

Pour beaucoup, il s'agit de l'étape la plus stressante, et à raison. Avant de passer au bloc, tous les vieux démons ressortent, et l'on s'apprête à faire un saut dans l'inconnu. Même lorsque l'on maîtrise ses peurs, il reste toutefois cette réalité que l'on confie son corps, et littéralement son coeur, aux mains d'autres, souvent inconnus.

Les médecins et le personnel hospitalier en sont totalement conscients, et ce n'est pas pour rien que la veille d'une opération l'on prescrit de puissants somnifères! Mais hop je grille les étapes, reprenons où nous étions arrêtés: le plateau repas!

L'heure jaune

Une fois le dîner léger avalé (qui n'a de léger que le nom... Ok c'était pas une raclette, mais les quantités feraient de jolies montagnes à descendre à ski... ), c'est le passage à l'heure jaune. L'heure jaune ne s'écoule qu'à l'hôpital. Les lumières sont jaunes, les draps sont jaunes (on y voit moins les tâches - true strory), et les gens deviennent jaunes dès la veille de l'opération. La jaunisse provient de la Bétadine.
Alors le soir même, je me suis douchée à la Bétadine rouge une première fois, y compris les cheveux, en insistant bien sur les plis: nombrils, derrières les oreilles, blah. Une fois ce premier bain rincé, on refait une deuxième session! Comme on dit ici, après la Bétadine, on bétadine encore. J'avais pris un sèche cheveux pour éviter de prendre froid, et c'était une très bonne idée. 
Il n'est pas possible d'utiliser ses serviettes éponges pour se sécher (pr éviter les germes). A la place on a les trucs tout fin et transparent. Ca frisque en hiver! Pour dormir il est toutefois autorisé de mettre son pyjama. 

Après un brossage soigneux des dents, on utilise le bain de bouche fourni pour bien désinfecter. C'est pas mal. Il faut noter que certaines personnes sont allergiques à la Bétadine. Dans ce cas, on donne un autre produit.

On se met au lit, et on attend. Là, ma crème hydratante m'a drôlement manquée. Ca tirait de partout et ça sentait grr grr. J'aurais pu totalement flirter avec un Canard WC. L'infirmière de nuit est venue me dépiler au rasoir. Je pense que pour les hommes c'est beaucoup plus long! Pour moi, la seule surprise fut les bras! Celle-là je ne l'avais pas prévue. Mais l'infirmière m'a expliqué qu'avec tous les pansements et les perfs, ce serait une bénédiction par la suite.

La dernière étape est de prendre un somnifère. Je n'étais pas totalement sûre de le vouloir. Mon cardiologue m'avait conseillé de le prendre. Finalement le hasard a fait que j'avais.... trop sommeil pour attendre le somnifère! J'ai dormi comme un bébé loir (cette partie de mon récit n'est pas normal -  normalement on a les yeux ouverts comme des billes. Mais j'ai un gène de paresseux dominant).

Dernières préparations

Le réveil a lieu très tôt, à 5h. Je me suis réveillée à 4h30 pour faire une demi-heure de méditation et yoga. A 5h, on nous mesure les constantes, et on range toutes ses affaires. Dans la valise on veille bien à laisser ses indispensables sur le dessus: lunettes, appareils dentaires et auditifs ainsi qu'un double papier de l'inventaire de son sac. 

Et c'est parti pour la double douche de Bétadine rouge matinale. Cette fois-ci j'ai été dispensée de cheveux (tant mieux, je me rappelle qu'il faisait froid). On tente de se sécher une fois encore avec les trucs fins, brossage des dents et bain de bouche, l'on met les petits chaussons bleus (comme ceux de l'aéroport) et au lit. 

L'infirmière arrive et nous donne un dernier médicament qui décontracte. Et vient le moment le plus relou de la préparation: le badigeonnage de Bétatine jaune partout. Allongée sur un plastique, j'étais comme un rôti que l'on macère dans une sauce à la moutarde brune. Ouais, sexy comme ça. Après on t'enfile une blouse qui colle avec tes épaisseurs de sauce et tu restes allongée jusqu'au départ pour le bloc. J'ai encore dormi...

Le lit à roulettes

Bien entendu ton lit est à roulettes. Donc quand l'infirmier vient te chercher dans la chambre tu restes sans bouger et on te pousse. C'est rigolo. Le bloc était au même étage, donc pas d'ascenseurs à prendre. Juste quelques couloirs. Comme tu es allongé, tu ne vois que le plafond et pas là où tu vas. Toutefois quelqu'un de futé a collé des stickers de fleurs au plafond. Donc en attendant à l'entrée du bloc, il y avait des tournesols. Comme je les aime bien, ça m'a fait un petit signe positif.

Les premiers à venir sont les anesthésistes. Il y avait Marie (qui a de jolis yeux) et Marina. Les autres noms, j'ai un peu oublié même si je me rappelle des visages. On te repose des questions auxquelles tu avais déjà répondu. On te demande plusieurs fois ton nom et ta date de naissance. L'infirmière du bloc vient aussi te voir et te dit des trucs (j'étais un peu mi-floute à ce moment). Elle te place des électrodes sur le front, comme un serre-tête à dents.

Un monsieur arrive et te place sur la table opératoire. C'est très dur et c'est froid. D'ailleurs, il fait très froid dans les blocs (pour empêcher les proliférations microbiennes). Du coup, je tremblais et claquais des dents jusqu'à ce que la couverture chauffante fasse son effet. On m'a placé la perfusion et le masque à oxygène. L'anesthésiste m'a parlé de sable et de plage de chaleur et de mer. C'était beaucoup mieux que le classique compte à rebours. Je me sentais totalement consciente et au moment où je me suis dit "je ne vais jamais m'endormir" j'ai perdu connaissance.


♥♥♥ Love

La leçon à retenir: apprends à faire confiance est la clé
Ca aurait pu être pire: la Bétadine aurait pu être vert kaki.
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